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SARAH

Un témoignage de ma pratique thérapeutique incorporant le du Qigong de Santé.
Conférence à l'Université de Mons, lors des Championnats d'Europe de Mons 2014

Kinésithérapeute depuis 21 ans et pratiquant Tai Chi et Qi Gong depuis 5 ans, j’ai été sollicitée pour vous parler de la relation du Qi Gong avec mes différentes compétences professionnelles et le lien qui s’est tissé dans la rééducation des patients. Au début de ma carrière, je me suis spécialisée en rééducation neurologique adulte afin de soigner et d’aider au mieux des patients atteints de pathologies comme l’hémiplégie (paralysie partielle ou totale d’un hémicorps), la maladie de Parkinson, de Guillain-Barré (paralysie transitoire des 4 membres et du tronc) ou encore la sclérose en plaque…

Tout en continuant à travailler dans cette voie, j’ai entrepris une formation en réharmonisation posturale globale et posturologie afin de comprendre et traiter les troubles musculo-squelletiques liés aux troubles de la posture et, enfin, j’ai approfondi mes connaissances par une formation en rééducation vestibulaire pour appréhender les vertiges et les troubles de l’équilibre. Lors de toutes ces années de formations et de travail auprès des patients, un objectif apparaît essentiel lors de chaque traitement : se tenir debout ! Se tenir debout de la manière la plus orthograde, la moins coûteuse en énergie et la moins douloureuse possible…

En effet, la station debout naturelle est fondamentale de l’espèce humaine et l’Homme est le seul animal bipède intégral permanent. Grâce à l’homéostasie ( harmonie des différents systèmes entre-eux) nous pouvons vivre et nous adapter aux modifications de notre environnement avec un minimum de coût énergétique et, chez l’Homme, elle est liée au contexte antigravitationnel. L’Homme est donc un bipède au cerveau perché qui doit, à tout moment, connaître les positions relatives des différentes parties de son corps les unes par rapport aux autres et la position de son corps dans l’environnement.

Le contrôle et la régulation de notre posture sont donc primordiaux à notre statut de bipède. Notre axe corporel se doit d’être solide et souple afin de permettre aux membres de se mouvoir de manière aisée et sans contrainte comme le tronc de l’arbre permet aux branches de se balancer au grès du vent…. Mais, quand cette homéostasie est troublée par une maladie, le stress , des désordres émotionnels et/ou psychiques, la sédentarité, le vieillissement, les contraintes professionnelles ( gestes répétitifs, attitudes vicieuses, …), le corps répond de diverses façons, par différents troubles ou maux qui peuvent perturber la posture et le bien-être corporel et/ou psychique. Face à ce constat, les multiples formations professionnelles ont répondu, avec leurs aspects bien spécifiques, à mes attentes de thérapeute et, par là même, à celles de mes patients ; du moins, je l’espère…

Mais où le Qi Gong trouve-t-il sa place au milieu de tout cela… ? 
En 2006, j’ai appréhendé cette discipline à Bruxelles lors d’une formation proposée aux kinésithérapeutes au Parnasse-Deux Alice. Les cours étaient dispensés par madame Eguia Alma, professeur de Qi Gong et madame Hill-Derive Michèle, kinésithérapeute pratiquant le Qi Gong. A l’époque, je ressentais le besoin de toucher à d’autres horizons thérapeutiques afin d’enrichir ma pratique professionnelle mais aussi personnelle par une approche moins conventionnelle de notre mode de pensée occidentale. Tout en restant dans le cadre des soins de santé, le Qi Gong m’a permis de pratiquer un travail sur moi-même en expérimentant le travail énergétique.

Cette discipline s’est présentée à moi comme un fil conducteur à tout ce que j’avais déjà appris puisqu’elle fait partie de la médecine traditionnelle chinoise préventive et qu’elle s’appuie sur l’harmonisation du corps et de l’esprit en permettant une meilleure circulation de l’énergie, du souffle et du sang dans le corps entraînant un meilleur fonctionnement des grandes fonctions organiques.

C’est comme cela que j’ai commencé l’apprentissage :
• des mouvements de santé
• de la stimulation et de l’éveil des mains afin de développer la sensibilité et d’améliorer l’effet du travail manuel et des massages
• de l’automassage général
• des exercices de Do In
• la série des Baduan Jin
• les exercices de collecte d’énergie
• les exercices de relâchement
• les exercices spécifiques de détente, pour le dos et l’amélioration de la capacité respiratoire

Le Qi Gong a, tout d’abord, été un travail de découverte de différentes postures, formes ou méthodes. Ensuite, c’est un travail de sensibilisation par la respiration et la concentration. Enfin, le Qi Gong m’a apporté une autre compréhension dans le maintien ou la réhabilitation de la santé et du bien-être. Ce qui m’a énormément surpris, c’est la précision, la justification et le sens que chaque mouvement, que chaque posture ou enchaînement proposent ; ce ne sont pas de ‘’simples’’ mouvements exécutés et l’ensemble de la discipline vise à des objectifs bien précis.

Outre la répétition des mouvements et des exercices qui améliorent l’état de santé physique, le Qi Gong agit également sur notre état de santé psychique, intellectuel et mental. S’il est pratiqué régulièrement, il devient un véritable art de vivre en améliorant notre qualité de vie, notre énergie et notre épanouissement. Cette approche rigoureuse mais limitée dans le temps à une simple formation professionnelle a fait naître l’envie de poursuivre dans cette voie. C’est donc avec un grand plaisir, une grande joie et une certaine impatience que j’ai commencé les cours de Taichi et Qi Gong proposés à Frameries par Michel Lombeau et Pascale Ruelle depuis maintenant 5 ans. Forte de cette petite expérience que j’acquiers au fil des cours, je suis arrivée à mettre en évidence quelques objectifs thérapeutiques utiles aux patients que je prends en charge quotidiennement, principalement atteints d’une pathologie neurologique ou présentant des troubles de l’équilibre.

De manière globale, le Qi Gong :
• développe et renforce la musculature
• assouplit les articulations
• développe la perception corporelle
• harmonise la respiration
• entretient les fonctions de locomotion
• augmente la capacité de concentration
• apaise l’esprit et diminue les tensions et le stress

De manière plus spécifique, le Qi Gong permettra : de retrouver ou conserver aux gestes :
• qualité
• harmonie
• coordination
• précision de conserver ou donner au corps :
• équilibre
• souplesse
• posture droite
• intégrité des amplitudes articulaires
• aptitude à l’effort

Il faut noter également que le Qi Gong propose l’entretien de fonctions intéressantes qui se dégradent dans certaines pathologies neurologiques. Ainsi, sont travaillés de manière globale, douce et continue :
• la réalisation de mouvements asymétriques
• la variation de positions la coordination des mouvements des membres supérieurs avec les membres inférieurs
• la dissociation des ceintures scapulaire et pelvienne (épaules et bassin)
• la stimulation des réactions d’équilibration et des séquences de redressement
• l’organisation dans le temps de différentes séquences gestuelles

De plus, le Qi Gong est probablement avec le Tai Chi une discipline ‘’ antichute’’ car il permet de lutter contre les troubles de l’équilibre et fait réaliser au patient des compensations posturales volontaires qui pallient à des réactions posturales automatiques perturbées chez certains patients neurologiques ou chez la personne âgée chutant régulièrement

L’intérêt est que le Qi Gong intègre :
• des exercices aidant à la prise de conscience du schéma corporel
• l’apprentissage de l’étirement axial actif ( colonne vertébrale)
• la répétition d’activités volontaires permettant une automatisation de la tenue posturale
• le renforcement des réactions posturales d’équilibration par la création de déséquilibres obtenus
soit par le balancement d’un membre supérieur ou par l’élévation sur la pointe des pieds
• le transfert régulier et alternatif du centre de gravité ( proche du Dan Tian inférieur) vers chaque pied
• l’amélioration de l’équilibre en position unipodale ( sur un pied)

Enfin, comme le corps est un ensemble dont les éléments sont interdépendants, tout mouvement effectué par une partie du corps entraîne une action ou une réaction dans les autres parties. Le Qi Gong participerait donc à l’entretien ou au réapprentissage desajustements posturaux anticipés qui se révèlent essentiels à la gestion d’un bon équilibre et donc à réduire le risque potentiel de chute. D’autre part, l’équilibre dépend de la bonne qualité et de la bonne intégration centrale ( par le système nerveux central) des informations provenant de 3 systèmes et qui afférentent le cerveau , à savoir : la vision, le vestibule (situé dans l’oreille interne) et le système somesthésique ou proprioceptif (informations provenant des muscles, des tendons et des articulations).

Si nous avons déjà évoqué longuement le système proprioceptif, l’oreille interne et la vision sont également très sollicitées par la pratique du Qi Gong grâce aux multiples mouvements de tête dans les trois plans de l’espace et au regard dirigé ou fixe lors de certaines postures et autres mouvements. Le Qi Gong peut donc s’intégrer parfaitement à un programme de rééducation ou à un entraînement visant à entretenir toutes nos fonctions confondues par son implication multifactorielle. Les patients apprécient ou réclament les séances de rééducation de l’équilibre intégrant le Qi Gong car celui-ci diversifie et enrichit la gestuelle des exercices, il améliore rapidement l’équilibre, il harmonise la respiration et il implique de nouvelles expériences positives.

Le ressenti des patients est :’’d’avoir bien travaillé’’ lors de cette séance, de ‘’se sentir plus détendu’’ qu’en arrivant et que’’ le temps est passé bien vite’’… Quelques-uns viennent maintenant au cours de Tai Chi et Qi Gong le jeudi à Frameries pour s’améliorer et profiter de la dynamique du groupe. S’intégrer à un groupe permet aux patients de se sentir ‘’moins malade’’ et/ou d’accepter le regard des autres face à un handicap…… Un pas vers le maintien ou la restauration de relations sociales indispensables à un bon équilibre psychique. Il est évident que l’aspect énergétique lié à la facilitation de circulation des flux le long des méridiens, bien connu de la médecine chinoise, fait aussi partie intégrante de la volonté de maintenir ou d’amener le patient à une meilleure santé mais mes connaissances ne me permettent pas d’appréhender cette partie de ce magnifique art de la santé qu’est le QiGong.

Ce sera, probablement, le prochain chemin que j’emprunterai…
En parlant de chemin, un petit texte de Huainanzi 3, cité et traduit par Anne Cheng. Histoire de la pensée chinoise, Edition Le Seuil.
Les Chemins de la Quiétude :
Les essences assemblées du Ciel et de la Terre donnèrent le Yin et le Yang.
Les essences concentrées du Yin et du Yang donnèrent les quatre saisons.
Les essences dispersées des quatre saisons donnèrent les dix mille êtres.
Le souffle chaud du Yang en accumulation engendra le feu et, l’essence du souffle du feu donna le Soleil.
Le souffle froid du Yin en accumulation donna l’eau et, l’essence du souffle de l’eau donna la Lune.
Merci à tous…